Ils sont jeunes, doués, anglo-saxons et peu ou pas traduits en France. A travers un panorama subjectif et totalement arbitraire, jetons un coup d’œil sur ces auteurs prometteurs qui, de Kaare Andrews à Ashley Wood, ont un point commun de taille : le talent.
A la question « qui seront les prochaines stars des comics ? », difficile de répondre. Pour un auteur dont la qualité du travail ne sera jamais remise en cause, combien d’autres vont sombrer dans l’oubli et ne plus apparaître que dans une note de bas de page de l’histoire de la bande dessinée américaine. Nous ne voulons pas ici jouer les Cassandre et prédire quoi que ce soit, mais simplement porter un éclairage sur des dessinateurs prometteurs dont le travail commence à se faire remarquer. En espérant les voir débarquer en force dans nos contrées…
John Cassaday est un new-yorkais de 30 ans dont on a pu lire en France le début de sa série la plus connue, Planetary. Cette relecture magistrale de l’histoire des comics et de la science-fiction depuis les années 50 a fait l’objet d’un album chez Soleil, mais la traduction de la série semble s’être arrêtée depuis lors. Toujours en cours au Etats-Unis, malgré un retard plus que conséquent due au scénariste, il est regrettable de voir que l’éditeur toulonnais ne poursuive pas la parution de cette superbe série.
Cassaday va tout de même continuer de traverser l’Atlantique puisqu’il vient de finir Just Imagine Stan Lee creating… Crisis, dans lequel le co-créateur de Spider-Man, s’amuse à recréer le méga cross-over de DC. Etant donné que cette série est en cours de publication en périodique chez Semic, il y a fort à parier que cet épisode nous parvienne. D’autre part, le dessinateur vient de reprendre en compagnie de John Ney Reiber, Captain America dont la série vient de redémarrer au numéro1. Débauche de patriotisme et de manichéisme en font un titre peu recommandable dont le seul attrait est le dessin réaliste, majestueux et classieux de Cassaday.
Toujours parmi ceux dont on a pu apercevoir les travaux en français, citons Kaare Andrews, Canadien aux multiples talents (il est à la fois dessinateur, encreur, scénariste, peintre, sculpteur et webmaster) et au style multiforme. On a pu voir son dessin entre Manga et comics dans la mini-série Ben Grimm et Logan et admirer ses talents de peintre sur des couvertures dont celle de Spider-Man n° 27. Il continue sa foudroyante ascension aux USA en scénarisant ses propre histoires dont celle d’un one-shot où il reprend l’homme araignée dans un style manga. Son trait dynamique de raconteur d’histoire allié son talent d’illustrateur hors pair en font un des dessinateurs les plus prometteurs apparus ces dernières années.
Dans la catégorie cover artist, cette espèce de dessinateur aux délais si longs (au regard des éditeurs américains) qu’ils ne font quasiment que des couvertures, Adam Hughes est un des plus côté actuellement. Il ne se consacre actuellement qu’à l’illustration de la couverture de la série Wonder Woman. On a pourtant pu voir ses dessins dans une mini série de Gen 13 publiée en France par Semic : Ordinary Heroes. Son trait réaliste lui permet de dessiner de superbes jeunes héroïnes sans pour autant tomber dans l’outrance à la Michaël Turner, le dessinateur de Fathom. A la fois ultra-réalistes et hautement improbables, ses illustrations possèdent un charme fascinant. Dommage qu’il ne consacre qu’une trop petite part de son temps à la bande dessinée proprement dite.
Tout aussi doué pour les pin-up, mais dans un style tout autre puisqu’il semble puiser son inspiration dans les années 60 ou dans l’art nouveau, Phil Noto, né en 1971 comme Cassaday, débute sa carrière au département animation des studios Disney de Floride. Illustrateur de couverture pour la série Birds of Prey, il vient de créer une mini série de trois numéros intitulée Beautiful Killer et scénarisée par Jimmy Palmiotti. Prometteuse série dont les couvertures sont l’œuvre de…. Adam Hughes et que l’on espère voir traduite un jour en France.
Rob Haynes a déjà été traduit ici, par l’intermédiaire de la mini-série Daredevil Ninja. Son trait ressemble à de la ligne claire telle qu’aurait pu la concevoir Jack Kirby c’est à dire plus anguleuse, d’un dynamisme plus saccadé. Ses couleurs en a-plats le rapprochent encore plus de l’archétypal style franco-belge avec cependant un je ne sais quoi d’anglo-saxon qui donne à son trait une saveur particulière.
Ashley Woodest atypique à plus d’un titre : il est Australien et a commencé sa carrière comme illustrateur dans différentes entreprises (Dreamworks, Warner Bros etc.), mais ce qui choque le plus est que son style semble souvent plus proche de l’underground ou de la bande dessinée d’auteur à la française que du super-héros «classique ». Et pourtant, après PopBot, un ouvrage inclassable, sorte de melting-pot des fantasmes graphiques de l’auteur, et de Hellspawn, Uncanny X-men annual 2001 est sorti aux Etats-Unis et renforce le côté atypique actuel des productions mutantes. Après Grant Morrison, Peter Milligan et Mike Allred, voici un autre exemple des choix éditoriaux novateurs de Joe Quesada. Le trait sombre et décalé du dessinateur ne plaira pas à tous le monde, mais il représente incontestablement un pan de la production américaine méconnu à la limite de l’imagerie gothique, mais en même temps totalement différent du travail de Dave McKean, par exemple.
Terminons ce minuscule tour d’horizon avec Jim Mahfood, auteur lui aussi multi-support puisqu’il dessine aussi bien des bandes dessinées, que des pochettes de disques ou des fresques murales. Pas traduit en France, on lui doit une série comme Grrrl Scouts et en compagnie de Kevin Smith, un numéro de Clerks le comic-book reprenant les personnages du premier film du scénariste actuel d’Amazing Spiderman aux Etats-Unis. Inspiré autant par les comics que par la culture urbaine, le trait à la fois anguleux et jovial de Mahfood lui permet d’être aussi à l’aise pour dessiner les Quatre Fantastiques que des gangstas des seventies. Il est attendu pour bientôt de ce côté de l’Atlantique, puisqu’il vient de travailler sur deux épisodes de Peter Parker Spiderman et un de Tangled Web. Attendons nous donc à le voir débarquer dans un périodique des éditions Marvel.
Loin de vouloir associer en une quelconque école ou mouvement ces différents auteurs (qui par ailleurs ne se connaissent pas forcément), on peut tout de même se réjouir de voir qu’une nouvelle génération d’auteurs (ils ont tous entre trente et quarante ans) plus originale que ceux dont Image nous abreuve régulièrement, est en train d’émerger aux Etats-Unis. Leur débarquement massif en France, qui ne saurait tarder, va sans doute donner des idées à des dessinateurs de chez nous et le ballet incessant des influences entre les deux continents va pouvoir continuer. C’est ainsi depuis que la bande dessinée existe…